Josette ne comprends pas ce qui se passe. Ce matin elle a pris son café noir comme d'habitude et puis elle a mangé sa tartine de pain beurrée comme elle fait depuis toujours. Ce matin, ça a l'air si loin. Josette vient d'être admise à l'hôpital. On lui a dit qu'elle n'avait pas le droit de se lever parce que sinon elle risquait de mourir. Josette à peur maintenant. Elle n'ose même pas s'assoir dans son lit. Elle a envie de pleurer un peu mais comme elle n'est pas seule dans sa chambre, elle se retient. Et puis elle a envie de faire pipi aussi, mais comme elle doit demander aux infirmières le bassin, elle se retient aussi. Elle trouve ça humiliant Josette de demander pour faire pipi.

Josette d'habitude, elle a des yeux coquins dans son visage de vieille femme pas si vieille, pas assez pour mourir en tout cas, pense t-elle. Mais là maintenant ils sont comme vides, vidés par la peur, par la honte. Elle les promènent sur la chambre de l'hôpital. Dans l'autre lit, il y a une femme qui lis tranquillement. Josette la regarde pour se changer les idées. La femme pose sont livre et regarde aussi Josette qui pudiquement détourne les yeux. La femme lui sourit malgré tout, Josette sourit aussi, bien obligée, on a beau être au bord de la mort, on reste poli.
Josette aimerait bien lui parler, à cette femme, elle a un air qui donne envie de parler. Elle se dit que de parler, elle aurait moins peur, elle dit :" Vous avez vu ce beau soleil qu'on a aujourd'hui ? " Elle a appris ça, Josette, quand on connait pas quelqu'un et qu'on veut parler, on parle de la pluie et du beau temps. La femme sourit encore et lui dit juste : " oui. " Josette réfléchit. Peut être que la femme n'a pas envie de parler, mais elle la regarde comme si elle attendait une suite, et Josette, elle ne sait pas quoi dire après le soleil. La femme finit par dire :" ça va vous ?" Comme ça, directe, en la regardant droit dans les yeux.
Alors Josette, elle sent les larmes qui montent jusqu'au bords des cils, elle fait tout ce qu'elle peut pour les retenir, elle répond dans un sourire tordu: " ce n'est pas facile". La femme la regarde avec beaucoup de gentillesse. Elle lui dit " Oui, ça a été soudain pour vous. ça doit être un peu effrayant"
Alors Josette, devant tant de gentillesse, elle craque. Elle pleure un bon coup. Elle lui raconte, à cette inconnue, ce qui s'est passé depuis ce matin. La femme ne la quitte pas des yeux. Elle hoche la tête de temps en temps et continue de lui sourire, un sourire rassurant, aimant. Ça lui fait du bien à Josette.

A la fin, la femme dit : " Quand vous appellerez l'infirmière pour faire pipi et qu'elle vous apportera le bassin, je sortirai de la chambre pour vous laisser tranquille. J'en profiterai pour faire ma petite promenade". Pour le coup, Josette l'aurai embrassée. Elle se dit que dans son malheur elle a de la chance d'être tombée sur une compagne de chambre si gentille. Elle a moins peur maintenant. Elle appelle l'infirmière pour le bassin et la femme fait comme elle a promis, elle la laisse toute seule. Ce n'est pas facile mais c'est quand même un peu moins humiliant.

Le lendemain, la femme s'en va. Elle est habillée, assise sur le bord de son lit. Elle attend qu'on vienne la chercher en regardant par la fenêtre. Josette espère que la prochaine patiente sera aussi gentille qu'elle. Un homme rentre dans la chambre, il embrasse la femme tendrement, ils se sourient. Ils se chuchotent à l'oreille. Josette sourit en les regardant, ça lui rappelle avant, quand son homme à elle était en vie. Qu'est ce qu'ils pouvaient se chuchoter à l'oreille tout le temps, des mots et des mots doux. Au moment de partir, la femme regarde Josette, droit dans les yeux encore, elle lui dit :" ça va aller pour vous, ne vous en faîtes pas." Avec ce beau sourire aimant qui caresse le cœur malade de Josette. Elles se sourient toutes les deux et la femme s'en va. Josette s'endort, un sourire aux lèvres ...