Agnès a débarqué dans la grande ville, Paris, La ville rêvée, la ville des lumières, de la culture. Elle est arrivée il y a quelques années, quittant sa province natale, ses parents, ses amis, pour travailler. Elle à tout entendu en partant,"quelle chance tu as", "fais attention c'est dangereux là-bas pour une fille seule". Mais le Paris d'Agnès ne ressemble à rien de ce qui était prévu, ni à ses rêves, ni à ses angoisses. Paris est juste la ville de la solitude. Elle n'est pas désespérée, elle n'est même pas triste, juste, elle s'ennuie.
Alors Agnès à décider d'écrire, elle a ouvert un blog. "Pour dire, quoi ?" pense t-elle "rien peut être", elle se lance dans une écriture compulsive, elle veut dégueuler son ennui et son vide. A moins que son vide ne soit trop plein. Elle pense: " ici chez moi, dans ma tête, dans tout ce qui se tait, le désordre de mon silence". Elle trouve ça joli, ces mots "le désordre de mon silence", joli pour dire l'enfermement. Paris l'enferme chez elle. Elle tourne en rond dans tout ce gris et l'ennui l'enlise. Elle éprouve un besoin irrépressible de mouvements, de brasser de l'air plutôt que le vide, plutôt que le rien, plutôt que cette forme de mort émotionnelle.

Elle cherche le moyen de ne pas se laisser faire, de ne jamais déposer les armes, de ne pas lâcher prise. "Lâcher prise", elle n'entend que ça, tout le monde en parle, c'est le dernier conseil à la mode qui fait la une des magazines féminins. "Oui, d'accord" pense t-elle "mais si lâché prise c'était tomber dans l'abîme vertigineux du néant ? Bien sur que non" elle le sait bien que non, mais n'empêche, ça l'emmerde tous ces champions du lâché prise, tous ceux qui savent, tous ceux qui sont heureux, qui ont du recul, de la distance, tous ces vendeurs de sérénité, ces bastringues du Zen, l'emmerde sérieux.

Agnès s'accroche des poing et des dents à la vie, elle lui crache à la gueule et même parfois elle béni ses souffrances, en secret et sans masochisme, juste parce que, bon sang, elle sait au moins qu'elle est vivante. Le diable c'est l'ennui, l'ennemie, la seule, c'est la mort. La faucheuse l'emportera bien sur, un jour elle gagnera, en attendant Agnès marque des points, à chaque seconde elle veut sentir que son cœur bat, sentir et savoir, et connaître ces battements. Le cœur bat, se bat. Oui, c'est une guerre dont elle veut tout sentir, se rendre compte de chaque bataille. Elle ne veut pas subir. Elle ne veut pas que le temps glisse et happe ses bulles de vie sous prétexte d'éviter les défaites, elle se fous des défaites, comme des victoires, ce qui compte pour Agnès, c'est d'éprouver.

Mais à la vérité, comme tout le monde, elle se laisse prendre par la banalité, l'habitude, les rituels, la sécurité, elle se repose bien sur, il faut bien, c'est nécessaire, mais qu'elle le regrette au fond. Elle s'en veut si souvent de n'avoir pas le courage, en tout cas pas suffisamment pour vivre cette vie comme une éternelle action. "Pas le courage ou pas l'imagination, aller savoir" rage t-elle sur son clavier.

"Mon vide peut être et encore responsable de mon ennui si profond, ce gouffre, cet abysse". C'est la première phrase qu'elle écrit, comme un petit cailloux jeter dans l'océan d'un monde qu'on dit virtuel. Elle croit ne rien attendre en retour, mais au fond de son petit cœur, il y a tout de même une petite lumière " Et si quelqu'un trouvait ma bouteille à la mer ?" Ce petit morceau d'espoir qui ne va pas jusqu'à se demander qui pourrait bien la trouver, lui suffit.

Agnès écrit donc, et ne se rend même pas compte que son ennui, solide et inflexible est son point d'appui, est ce qui lui permet de passer à l'action...