"Que deviennent nos rêves d'enfants ?" Sabine se posait la question. Elle avait la quarantaine et depuis quelques années, pas très longtemps, elle avait le sentiment de ne pas avoir la vie qu'elle voulait, de ne pas être là ou elle rêvait. Depuis qu'elle était maman en fait. Un glissement, un décalage était survenue. Non pas qu'elle n'était pas heureuse d'être mère, mais elle n'était plus seule, et sans qu'elle en ait bien conscience, elle avait glissé vers une autre vie. Elle ne pouvait plus se poser cette question " qu'est ce que je veux vraiment", parce que le "je" était un nous, et dans ce nous une complexité nouvelle de l'existence lui était apparue, de nouveaux compromis.
Sabine n'avait pas fait le deuil de ses rêves. Toute sa vie elle l'avait construite, avec autant de volonté que de fuite. Toute sa vie avait été une bataille contre des peurs pour se frayer un chemin vers ses rêves. Elle en avait exaucé quelques un au passage. Mais à la quarantaine, quand vient l'heure du premier bilan, elle n'était pas contente d'elle. Elle était en colère même. Elle avait tant fui, elle avait eu tellement peur. Alors comme pierrette et le pot au lait, elle se disait "adieu, veau, vache, cochon, gloire, et beauté". Sans parvenir a accepter cet adieu, sans parvenir à renoncer.
Sabine était dans cet état d'inertie, ne sachant plus trop ou aller, avait elle atteint ses limites ? "Mais qu'est ce que la vie, si il n'y a plus de progrès ?, mais progresser vers quoi ? vers ou ?" Elle en était là de ses réflexions. Devait elle renoncer ? Devait elle se battre ? Pourquoi n'avait elle plus l'énergie de se battre ? Ses rêves étaient ils fantasmes ? Pourquoi la hantait ils toujours ? Qu'est ce qui se cachait derrière ses rêves ? Quelles blessures devait ils soigner ? Tant de questions, trop de questions à vous tourner la tête, à être pris de vertige, d'ailleurs elle en avait souvent, des vertiges, ces derniers temps.
Parfois, elle sentait, plus qu'elle ne voyait, une issue, un bout de réponse, une porte qui s'entrouvrait vers la lumière, à peine le temps de poser quelques actes et de nouveau elle était replongée dans le noir. Elle tâtonnait dans l'obscurité de ses désirs, avec la frustration, la colère, et bien sur la peur au ventre. Elle avait le sentiment que tout ce qu'elle avait accompli jusque là n'était rien, pas grand chose, pas suffisant. Elle avait besoin de la reconnaissance des autres, maladivement besoin de la reconnaissance des autres pour se sentir légitime. Et peut être que depuis qu'elle était devenue maman, ayant mis un coup de frein à sa carrière, les occasions de reconnaissance s'étaient raréfiées, et peut être aussi, qu'avec l'age, le temps du "quand je serais grande" était passé. Elle était grande et peut être pensait elle ne plus avoir le temps de rêver, peut être pensait elle qu'elle aurait dû y être dans cet eldorado.
Et puis Sabine avait discuté un soir avec l'ami d'une amie. Il lui avait raconté sa vie, un peu, son parcours. Il devait être à peine plus jeune qu'elle. Il avait vécu en état de stress si longtemps pour répondre à ses ambitions qu'il en était tombé malade, à faire peur, puis il avait changé de vie. Ce qu'il faisait aujourd'hui pouvait sembler moins glorieux mais lui, était tellement plus heureux. Il disait de cette expérience qu'il faut savoir ne pas se laisser tuer par son ambition, même quand on est passionné. Et Sabine s'était dit en elle même que c'est peut être ça quelle avait fait dès le début, dans ses fuites, peut être qu'elle avait su se préserver, peut être quelle avait su dès le début prendre soin d'elle, peut être que si elle avait fait d'autres choix, elle vivrait ses rêves mais en serait malheureuse. Allez savoir... Parce qu'une chose était sure, elle avait fait des choix conscient qui l'avait mené là ou elle se trouvait aujourd'hui. Alors bien sur il avait fallu s'adapter, faire des compromis mais enfin, sa vie elle se l'était choisi tout de même. Bon ou mauvais, ses choix avaient fait d'elle ce qu'elle était.
Une idée faisait jour en elle, floue encore, incertaine, indécise, n'osant pas encore lever le voile. Et si grandir, en effet, c'était savoir dire au revoir à ses rêves d'enfants parce qu'ils ne sont pas nôtre mais résultats de notre enfance, de nos blessures, de nos manques. Si grandir ce n'était pas se dire:
"c'est aujourd'hui que je nais et c'est aujourd'hui mon premier rêve".
Est ce que grandir n'est pas se libérer du passé ?
La littérature, le cinéma, regorge d'histoire où les héros se seraient trahi eux même en perdant de vue leur enfance. Ils nous laissent croire que le plus beau, le plus important, c'est de garder ses yeux d'enfant. Mais peut être est ce une erreur fondamentale, peut être est ce une aussi grande escroquerie que celle du prince charmant. Peut être que l'enfant en nous est ce qui nous freine, nous retient, nous corromps même.
Que veut donc cet enfant en nous si ce n'est réparation de ce qu'il n'a pas eu ? Mais le temps a passé, cet enfant qui refuse de l'admettre, qui trépigne en exigeant qu'on soigne ses blessures, cet enfant nous tyrannise.
Oui, Sabine se disait qu'il était peut être temps, la quarantaine venue, de dire à l'enfant qu'elle était: "Adieu, c'est fini, je suis désolée pour toi, mais mon temps est venu et le tien est définitivement mort" et de se tourner enfin vers son avenir ...
7 réactions
1 De julio
- 18/12/2010, 06:59
Très beau texte je suis en partit d’accord, mais pas la fin la mort de l’enfant je ne suis pas d’accord. Dans ton texte tu pense que l’enfant a perdu sont innocence et qu’il t’empêche de progressez pars ses frustration. Cette enfant et assoupie et paresseux pars ce que trop gâté ! Moi le mien il vole dans les aire il et curieux de tous, il aime les inconnu il pose des questions indiscrète sais un espiègle, parfois il ne fait peur, sais toujours moi qui coure derrière lui ! L’enfant ne perd jamais sont innocence même si il est violenté salit, il faut l’aider à retrouver la confiance, si tu le tue, tu te vide de l’émotion la curiosité, parfois il est dangereux pars ce qu’il se mais dans des situations périlleuses, a toi la prudence. Cette enfant mais pas un enfant comme les autres il et la profondeur de ton être il connaît toute tes faiblesses il est la liberté que tu te refuse les blessures qu’il t’inflige ne sont pas mortel elles sont réparatrices !
Le texte que tu a écrie et magistral très beau mais moi tu vois je n’ai jamais eu d’autre ambition que de vivre parmi les autres. Enfant conscient de sont retard qui me dialoguer pas avec les autres, envahie part la colère et la violence et qui rechercher la mort comme voie de sortie. J’aime la justice plus que moi-même, mais j’ai très vite comprit que la justice pousser a l’extrême sa conduit a la terreur ! Ma dureté et attendri part l’enfant !
2 De luce
- 18/12/2010, 07:47
Julio : J'ai tendance à ne pas croire au mythe, à celui de l'enfance comme n'importe quel autre. Alors bien sur, tout dépend de ce qu'on entend par l'enfant en soi. Et probablement tout dépend de l'enfance qu'on a eu. Ainsi nous n'avons pas à être d'accord ou pas d'accord avec Sabine, parce qu'en ce domaine il n'y a pas une vérité. Merci de ton commentaire.
3 De fille_silencieuse
- 19/12/2010, 09:19
Peut-être que Sabine a raison, peut-être que grandir c'est se résigner à accepter. Je n'aime pas cette idée, mais peut-être!
Bon vieux principe de réalité qu'est-ce qu'il fait mal!
La réalité est souvent dure, les rêves d'enfant peut-être un autre mythe à abattre, tout en reconnaissant et respectant les rêves qui furent un jour sien...
Tant de mythe à abattre de douloureuse désillusions dans lesquelles nous sommes bercées, puis dans lesquelles nous nous berçons.
Peut-être devrions-nous nous construire des rêves de grand, sans être dans le conventionnee ni l'établi ni le bien pensant! ...
Quels seraient les rêves de grande de Sabine ? ...
Néanmoins la notion de rêve implique en soit un inatteignable, une part d'impossible vers lequel on tend, un cap où l'on souhaite se rendre!
Ces rêves ont-ils vocation à être atteint ou à nous pousser à nous dépasser...
Peut-être faut-il les abattre, et peut-être faut-il au contraire les préserver pour ne pas tomber dans la complaisance d'une vie molle sans orientation! entre ces deux extrèmes des compromis.
Peut-être...
De réponse il n'y a pas!
C'est une question de choix. Encore et toujours des questions de choix
4 De luce
- 19/12/2010, 11:16
Décidément j'aime avoir écrit ce texte pour les réflexions qu'ils suscitent. Il semble que dans notre société, l'enfant et l'enfant en nous à quelque chose de sacré. J'écris contre ce sacré, je désacralise. Il me semble à moi, que l'enfant en nous est un mythe, un fantasme, une idéalisation d'une humanité innocente, pure ect... Dans un passé pas si lointain c'étaient les femmes qui étaient affublées de ces adjectifs, aujourd'hui ce sont les enfants. Il y avait et il y a encore l'éternel féminin et maintenant c'est l'éternel enfant. Je me défie instinctivement de l'éternel, du mythe ;-)
Quand aux rêves, "mort aux rêves" est un titre volontairement provocateur. Il s'agit surtout de savoir les remettre en question.
Nous changeons, nous grandissons, nous vieillissons et nous mourons. Nos rêves devraient ils rester immuables dans ce temps qui passe ?
Tu as posé une excellente question, quels seraient les rêves d'adultes de Sabine. Probable qu'elle n'en sait rien encore, mais pour le savoir au moins doit elle ouvrir la porte à ces nouveaux rêves en sachant dire adieu aux anciens.
Je comprend ce que tu dis par "vie molle et complaisante" mais la complaisance se cache parfois aussi dans l'attachement à cet impossible, dans la victimisation face à cet impossible. J'aime le principe de réalité, je l'aime vraiment beaucoup, car personnellement chaque fois que je l'ai accepté c'est là que j'ai le plus avancé. Les rêves que nous avons et particulièrement les rêves d'enfants, peuvent devenir aliénant et nous dévier de cette route que nous pensions avoir tracé. ils peuvent nous empêcher de faire vraiment notre connaissance. Car le but de tout cela, ce n'est pas d'être une image projeté de nous même depuis notre regard d'enfant, mais de vivre bien, heureux le plus souvent possible, en harmonie.
Donc l'essentiel ce n'est pas tant nos rêves que la façon dont nous avons de nous comporter vis à vis d'eux. Mais bon sang si je ne rêvais pas, je n'écrirais pas :-)
5 De andrem
- 20/12/2010, 13:17
Sans nos rêves d'enfant, nous ne serions pas ce que nous sommes, quand bien même ce que nous sommes ne ressemblerait pas à nos rêves d'enfant.
Il ne faut jamais ressembler à nos rêves d'enfant : tenter de les retenir est une pure folie, une forme certaine de folie. Chaque jour je vois cette folie faire des ravages, on peut avoir quarante ans et rester englué dans ces et ses vieux rêves perdus.
Il faut les briser, souffrance d'adolescent ou de jeune adulte, souffrance trentenaire souvent. Mais il n'empêche, sans eux, sans le souvenir, sans l'oubli de ce souvenir, sans cette trace indélébile et invisible, sans ces rêves là, pas d'adulte, pas d'avenir, pas d'être.
Ne jamais oublier le petit tas de briques patiemment rassemblées, du jour de la naissance au jour de la mort, que nous sommes.
6 De andrem
- 20/12/2010, 14:53
Ce n'est qu'en les brisant qu'on rend nos rêves d'enfant féconds.
7 De luce
- 26/12/2010, 19:21
Andrem : Tu me comprends toujours et prolonge mes pensées ;-)