Je me tiens à l'écart de la violence du monde la plupart du temps. La violence de la souffrance du quotidien me suffit. C'est déjà assez difficile de se tenir debout, de continuer à aimer cette vie, la mienne. C'est un travail sur moi que j'ai entrepris il y a longtemps, le chemin d'équilibriste. Ce chemin que j'ai pris de ne pas me laisser détruire, de ne pas me laisser aller au désespoir. Choisir le chemin de l'émerveillement, envers et contre la haine, la violence et l'absurdité.
Parce que j'ai cette faculté qui est à la fois une chance et un enfer, cette hypersensibilité qui fait de moi une éponge émotionnelle. Cette faculté qui fait que j'éprouve, sans même en avoir conscience, la souffrance, le chagrin, la peine, la joie, l'amour, des gens qui m'entourent. Cette faculté qui me les rends si proches, si clairs, si vite, cette faculté épuisante.

Je commence par encaisser, je commence par le recul, je prend le plus de distance possible, je commence par ne pas sentir ce que je sens. Et puis au bout de quelques heures, jours, je n'y arrive plus. Alors je suis envahie d'un chagrin qui ne trouve plus ses mots, qui ne trouve plus son origine. Juste une boule dans la gorge, et des larmes, de ces chagrins d'éternelle enfant qui ne sait pas mettre des mots sur ce qu'elle ressent. Et puis me vient la pensée que peut être j'ai croisé telle personne, il s'est passé telle chose dans le monde, de l'infiniment petit de mon univers à l'infiniment grand de notre monde de fous, me vient la pensée que peut être, j'ai été atteinte, vraiment, beaucoup, beaucoup plus que je ne le pensais.

Chaque fois que je fais ce constat je me dis qu'il faudrait que j'apprenne à me protéger un peu et chaque fois, une petite voix intérieure me dit que ce n'est pas possible, que je n'apprendrais jamais. C'est comme ça que je suis faite.

Parfois, je ne peux pas me tenir à l'écart du monde, et même une part de moi ne le veux pas. Je me dis qu'il faudrait que je songe à me préserver, mais je lis quand même les articles qui analysent et ceux qui contredisent les analyses, je me confronte aux mots "guerre, haine" et je lis aussi les témoignages de ceux qui vivent, je me confronte au mot "amour". La tragédie est là, on la reconnait, tout les ingrédients y sont, "guerre, haine, amour"... Et je pleure...

Aujourd'hui, je suis fatiguée, et triste. Mais ça passera, ça passe toujours. Je vais faire appel a ce qu'il y a encore de beau en ce monde et me réchauffer, me réparer, m'apaiser, à cette chance d'être toujours capable de le voir, de le savoir...

DSCF9893.JPG