49A58FFE-3A7E-4252-99A8-B579D692DBD0_Fotor.jpg, août 2022

L'autre soir, nous recevons des amis. C'est une soirée tranquille autour d'une bonne table. Nos amis sont attentionnés, prévenants. Je me sens entourée de douceur et de bienveillance. Tout est bien. En fin de soirée, la douleur se réveille. C'est une petite douleur lancinante de type brulure/irritation. Je me sens fatiguée de cette douleur. Une amie lit sur mon visage quelque chose. Elle demande : "ça va ?" Je pleure en disant "j'en ai marre". Là tout s'accélère. Un couple d'ami, médecin, me procure leur conseil pour gérer la douleur, me conseille de prendre des comprimés de morphine qu'ils peuvent prescrire au besoin, ou tout au moins de prendre l'acupan que m'a prescrit ma chirurgienne. Je n'arrive plus à dire a quel niveau de douleur je suis, j'ai l'impression que tout cela est disproportionné. "J'ai pleuré oui, mais bon calmez vous les gens, j'en ai marre, je pleure, y a pas de drame, faut pas vous laissez impressionner par mes larmes, sinon on n'a pas fini" Voilà à peu près ce que je me dis. Mais le soir, je prends l'acupan, qui soulage pour deux heures et me file mal au crane en même temps. Le lendemain, j'aurai, après auscultation de mon ami médecin, une prescription pour des comprimés de morphine (très peu dosé, franchement tu peux les prendre sans risque me dit-il)et des antibiotiques au cas où mes douleurs annonceraient le début d'une infection. Je m'en remet au corps médical donc. Je prend la morphine pendant deux jours, je n'ai plus mal. Mais je me sens mal. J'arrête la morphine et je découvre que ma douleur se gère très bien avec le doliprane. Ces deux jours sous morphine ont eu le bénéfice de couper l'engrenage de la peur/douleur.

J'ai mal, j'ai peur, donc j'ai plus mal, donc j'ai plus peur etc. Le problème c'est la peur, plus que la douleur. C'est elle que je dois prendre en charge en premier.

La douleur me rappelle que j'ai un cancer. Et je n'ai pas envie de le savoir. La sollicitude de mes amis, leur prescription, me rappelle que j'ai un cancer et je n'ai pas très envie de le savoir. J'aurai voulu vivre cette opération comme une formalité. Un IRM, un PETscan, une opération, tout sur le même tableau. Mais la douleur et la fatigue m'ont confronté à une réalité qui me fait peur. Toutes les sensations que je sentais me parlait du cancer. Et je demandais "est ce que c'est normal ?" Et chacun de me dire "c'est normal, tu viens d'être opérée". Et je n'arrivais pas à saisir cette réalité. Rien n'était normal. Le fait même d'être opérée n'était pas normal. Il n'est pas normal que j'ai un cancer.

Et puis au bout des deux jours sous morphine, j'ai eu besoin de reprendre les rennes de mon corps, de faire symbiose avec lui, de me recentrer. J'ai dit " j'arrête la morphine, je bois beaucoup d'eau pour nettoyer tout ça, et je repars de là". J'entame le deuxième jours, avec que du doliprane et ça va. Je sens mon corps mais je ne m'alarme plus, je sens ma fatigue mais ça y est j'arrive à lui dire ok. Je m'occupe surtout de ne pas laisser la peur m'envahir. Quand je sens que la machine à peur est susceptible de reprendre le pouvoir, je m'aide avec des gouttes de CBD, de la respiration et de la solitude. J'essaie de faire équipe avec les différentes partie de moi, de demander à mon corps d'être tolérants avec la petite fille terrifiée qui est en moi et de lui accorder des doudous pour la rassurer, (hier matin j'ai bu un chocolat chaud, alors que je digère mal le lait, mais la petite fille en moi a été bien contente, et mon corps a dit bon ok pour cette fois), par ailleurs, j'essaie d'apprendre à respecter les diktats de mon corps, j'ai beaucoup de chemin à faire. Hier après midi j'ai mangé trop de crêpes sucrées et là, il m'a dit "non, non, non". Bon ok, j'ai abusé.

Je repense à une chose que m'a dite mon infirmière philosophe " le mental ne se préoccupe que de satisfaire les sens, le corps lui s'en fou, il s'occupe du vivant". Mon corps est un travailleur, sérieux, appliqué et mon mental lui fout le bordel avec ses désirs. L'enjeu à venir est donc d'accorder les désirs de mon mental au besoin de mon corps. Réconciliation. Quand j'y parviens, quand parfois cela s'harmonise, c'est tellement agréable que je me demande pourquoi ce n'est pas tout le temps comme ça.

Autre chose qui est revenu dans cet alignement. Pour mon équilibre j'ai besoin de faire de la place au corps, à la nature, à mes relations, et à mon mental. Je ne peux pas différer, c'est maintenant. Je ne peux pas dire, chacun son tour, cette année c'est le mental et pour le reste on verra l'année prochaine. Non, l'équilibre c'est tout cela dans le présent. J'ai besoin d'affirmer cela, de m'affirmer à cet endroit là. J'ai besoin de respecter mon corps. J'ai besoin de faire des câlins aux arbres, de sentir le vent sur ma peau, de regarder l'océan, d'écouter les oiseaux, de caresser mes animaux. J'ai besoin de partager de l'humanité avec d'autres êtres humains. J'ai besoin de douceur, de sécurité. J'ai besoin d'un espace de spiritualité, de pleine conscience. J'ai besoin de paix. Et là, dans l'instant, j'ai besoin de repos.