IMG_4707stgueete22_DxO.jpg, août 2022

Me reste à faire une dernière chimio. Dans ma tête traine l’idée « c’est la quille » avec la joie qui devrait l’accompagner. Mais pour éprouver de la joie, il faut une certaine énergie, alors ben là, rien. Il y a quelque chose que je perçois qui doit être similaire à la dépression, pour éprouver, quoi que ce soit, il faut de l’énergie. La chimio m’a tout pris, alors pour le moment, rien. Mais je sais que ça va revenir quand le produit aura été éliminé de mon corps, un certain temps après l’arrêt, je ne sais pas combien, mais je sais que ça reviendra. J’imagine que dans la dépression, il n’y a même plus d’après.

Je suis tombée sur des témoignages de personnes qui ont traversé la maladie, sans rien dire à leurs enfants ou parents, tout seul, avec deux explications, ne pas faire porter aux autres l’angoisse de mort, ne pas voir dans le regard des autres cette angoisse de mort. Et je me demande comment ont-ils fait ? Parce que bon, ce n’est quand même pas simple à cacher un traitement de chimio.

Et je me suis regardée, en miroir opposé, ma part de transparence vis-à-vis de mes proches et ma part invisible. Les moments les plus durs d’épuisement et de vulnérabilité ou la solitude était si difficile, et d’autres ou le désir d’être seule, nichée sous la couette, dans ma bulle, était si fort. Ce que j’ai pu dire, ce qui n’a pas trouvé de mots, même pour moi seule.

Que fait elle de moi, cette épreuve ? Des choses qui meurent, des choses qui survivent, des choses qui se transforment ? Là, maintenant, je perçois les pertes, pas encore les trouvailles. Ça viendra, surement, la vie reprendra ces droits, tout ça se traverse et tout passe.

J’aime à dire que j’ai passé ces trois derniers mois en Chine, dépaysement, évasion au travers de séries. Fuir le temps, traversée par des lassitudes, des impatiences, et un quotidien du traitement et de ses effets secondaires.

5 mois de chimios en tout. Les plus longs et les plus pénibles de mon existence. Mais enfin, ça y’est, j’en vois le bout. La semaine prochaine c’est la dernière.

Après j’ai un mois de répit. Puis commence la prochaine phase du traitement : 15 séances de radiothérapies, 5 jours sur 7, sauf jours fériés et maintenance des machines, ce qui m’amènera au plus tard fin mai. Ensuite viendra l’hormonothérapie, un cachet tous les jours pendant 5 ans. Et puis des visites de contrôle tous les 6 mois. On ne met pas le cancer si facilement derrière soi. Il va falloir inventer une façon de vivre avec ça, trouver des espaces d’insouciance, de confiance. Se faire croire encore un peu qu’on a du pouvoir là-dessus et décider que je suis guérie, que c’est derrière moi, avec la prudence des médecins pour compagnon.