Il y a en moi des fragments de tristesse. Ils ne prennent pas toute la place, pas du tout, mais ils sont là et je compose avec. Ils sont l’empreinte laissé par les absents, les souvenirs de blessures, la liste des épreuves traversées. “La vie est dure pour une petite patate.” C’est ce qu’on dit dans nos sourires tristes avec ma sœur, triste et plein de tendresse aussi.

Il y a en moi des morceaux de peurs. Ils ne prennent pas toute la place, non, mais je les sens douloureusement, plus difficile de composer avec, mais j’essaie. Ils sont dans mes fatigues, mes anticipations anxieuses, mes croyances, et aussi dans les blessures encore ouvertes. “Oui, la vie est dure pour une petite patate”.

Il y a en moi des extraits de joies. Comme des sursauts qui remplissent les instants d’une telle densité que j’oublie tout le reste et que c’est bon d’oublier parfois. La vie est jolie “quand m’aime” pour une petite patate.

Il y a en moi des bouts de conscience habité de calme, comment nomme t-on le contraire de la lutte ? La paix, oui, c’est cela il y a en moi des bouts de paix. L’océan m’aide bien souvent à les faire émerger. Quand mon corps se relâche en dedans, la vie devient douce pour une petite patate.

Il y a en moi des abysses de désirs, des flots d’amour, des jaillissements de questions…

Tout cela, c’est moi. L’intranquillité vivante. Ce n’est pas simple de tout prendre, de tout accepter de celle que je suis. Souvent je me voudrais différente, plus… moins… Je m’égare dans la colère, me disperse dans la volonté, m’épuise dans la lutte. Et puis je me souviens que c’est vain. Que mon pouvoir n’est pas de changer mais de composer avec mes palettes de couleurs. J’entre en négociation, je me fais diplomate, je cherche un terrain d’entente entre moi et celle que je voudrais être. Et parfois, j’entre en empathie avec moi, “ben oui la vie est dure pour une petite patate mais tu t’en sors bien”.