(fiction, toute ressemblance etc ...)

Elle s'est levée de mauvais poil, elle n'a pas envie d'aller travailler. Pour une fois que le soleil brille, pour une fois que la lumière traverse l'hiver qui n'en finit pas d'être gris. Elle n'a pas envie de se taper ce groupe de chômeurs, d'animer, d'expliquer, de rabâcher. De toute façon, depuis le temps, ils n'ont plus de visage, il sont tous gris, et bêtes, ce qu'ils peuvent être bêtes.

Elle arrive, ouvre la porte, ils sont quatorze dans une petite salle surchauffée. Elle n'a pas envie de s'occuper d'eux. ça l'emmerde tous les jours mais aujourd'hui encore plus que les autres jours. Elle va se débarrasser de certain, alléger le groupe, alléger son travail stérile, elle le sait que ça ne sert à rien. Elle le sait bien qu'il repartiront vers pôle emploi qui les enverra dans un autre stage. Ceux qui sont là sont mort pour la société, un groupe de presque plus humain. Elle assène des mots "respect" en les méprisant du regard. Elle a trouvé sa première victime. Un homme d'une cinquantaine d'année, sept ans de chômage. Mais pauvre vieux, il le restera jusqu'à sa retraite. Elle veut s'en débarrasser, elle sait qu'elle ne peut rien pour lui. Elle lui pose des questions, n'écoute pas les réponses, l'interromps sans arrêt, lève les yeux au ciel et finit par lui dire qu'il n'est pas à sa place ici. L'homme se lève et s'en va. Il avait pourtant des choses à dire, une vie au bord des lèvres qu'elle n'entendra pas. C'est pas son boulot et puis, c'est juste un chômeur de cinquante balais, de plus.

Elle s'est levée ce matin avec l'envie de rester au lit plus longtemps, mais, il faut déposer la petite à l'école et puis après aller à ce stage. Elle est contente en ouvrant ses rideaux de s'apercevoir qu'il fait beau. Elle décide qu'elle ira à pied pour en profiter un peu. Quand elle arrive, il n'y a qu'une femme qui est déjà là, la cinquantaine de petite fille. Toute blonde, rien qu'à voir comme elle est assise, on sent qu'elle s'excuse d'être là. La honte et le désarroi du chômage inscrit dans un corps maigre et vouté. Elle s'assoit face aux fenêtres, non loin de l'autre femme et lui dit "au moins profiter un peu de la jolie vue", l'autre lui sourit "oui, il fait beau aujourd'hui" "c'est agréable cette lumière" " oh oui, ça fait du bien"... Un homme arrive, la trentaine, il regarde au sol mais dis bonjour, va s'assoir à l'autre bout, dos aux fenêtres. Sort un journal et en commence la lecture. Ils arrivent ainsi au fur et à mesure les stagiaires. La salle devient de plus en plus petite et se réchauffe. Elle les regarde, chacun leur tour, elle aime bien observer les inconnus. Leur façon de se tenir, de fuir les regards ou de les offrir. Elle s'amuse du fait que les femmes font face aux fenêtres et les hommes leur tourne le dos. Sauf un, arrivé en retard qui a pris la dernière chaise. Un homme, la cinquantaine, détendu et sans illusion.

L'animatrice entre. Son ton est sec. Elle dégage de l'agressivité en disant toujours "ce n'est pas contre vous". Non ? Contre qui alors. Mais pour Elle ce n'est pas grave. Elle l'observe faire mal son travail et sait déjà qu'elle fera parti de ceux qui seront invité à partir. Quand elle s'en va, elle sourit à tous, même à la formatrice, après tout, c'est un être humain qui fait un boulot qu'elle n'aime pas alors qu'il fait si beau aujourd'hui...