La maison brûle. Papa est parti faire la guerre quelque part au delà du désert. ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu. Je ne suis pas sûre de me souvenir de son visage. Maman est allongée par terre, sur le dos. Il y a une tache rouge, sur son front, qui coule. La tache pénètre dans le sable en y dessinant un lion.
Je m'appelle Cali, je porte mon petit frère sur mon dos.
La maison brûle, il faut partir, maman. Maman pleure et ne se lève pas. Je m'approche. Maman respire encore, elle n'est pas morte. Je sais ce que c'est la mort, je l'ai déjà vu quand ils sont venus pour prendre mon frère, le grand. Je me souviens très bien du sourire qu'ils ont dessiné sur sa gorge et du rire écarlate qui a jailli sur nos corps. Maman pleure et ne se lève pas, il faut partir maman.

Je marche dans le désert, mon petit frère sur mon dos. On m'a dit qu'en allant tout droit vers le soleil couchant je trouverai des gens, de la nourriture et de l'eau. Alors je marche en portant mon petit frère sur mon dos. Maman est resté la bas, avec la tache rouge qui dessine le lion. Part, marche, je te suis, bientôt... Je marche depuis longtemps maintenant, je ne veux pas me retourner, je pense que maman est derrière et qu'elle va nous rattraper. Si je me retourne c'est que je ne crois pas, si je ne crois pas, je jette le mauvais sort sur nos vies. Je marche dans le désert, mon petit frère sur mon dos.

Il y a eu la nuit, puis le jour, puis la nuit, puis le jour, quand j'ai vu le premier homme. J'ai eu peur d'abord, mais il a souri, il m'a donné de l'eau pour mon petit frère. Mon petit frère est presque mort de faim et de soif mais un autre homme est venu. Il a dit que mon petit frère est très fort, et qu'il va vivre. Il a dit aussi que je suis très courageuse. J'ai posé mon petit frère pour qu'il le soigne puis j'ai mangé, j'ai bu, j'ai dormi. Maintenant je veille mon petit frère et j'attends maman. Il y a eu le jour, puis la nuit, puis le jour, puis la nuit, puis le jour quand on m'a dit qu'elle ne viendrait pas, mais je ne les ai pas cru, depuis j'attends.

Il y a des hommes et des femmes blancs ici. Il parle de chez eux. Je les ai entendu parler de la neige. Ils disent que ça leur manque. Neige, c'est peut être le nom de leur maman.
Maman ne vient pas, maman doit être morte là bas.
Mon petit frère s'accroche de toutes ses forces à mon dos maintenant. Il va bien, il sourit, les hommes et les femmes blancs l'aiment bien. Moi je ne souri pas. Un homme blanc m'a parlé hier, à moi, dans les yeux. Il a dit qu'on allait m'emmener chez eux. Là bas il y a une maman et un papa qui m'attendent, il a dit. J'ai déjà un papa, même si maman est morte. Mais il dit qu'on ne sait pas où est mon papa. Il a promis qu'on resterai ensemble, mon petit frère et moi. J'ai dit "une Maman neige" ... Il a sourit. Ici, il y a des hommes et des femmes blancs qui font des promesses, je les crois, si je ne les crois pas je jette le mauvais sort sur nos vies...

à suivre un jour peut être. Texte écrit en décembre 2007