Parfois j'ai l'impression d'avoir disparu. Qu'est-je fais de ma vie en fait ? J'ai dit à quelqu'un il y a peu que tout bien considéré j'avais passé l’essentiel de ma vie à aimer et à être aimé. Oui, en fait, c'est pour cela que j'ai tant écrit sur l'amour. C'est que ça m'a pris l'essentiel de mon énergie. C'est l'amour qui m'a le plus appris sur moi, sur les autres, qui m'a donné les joies les plus puissantes et les chagrins les plus violents. Et ce n'est sans doute pas par hasard, si à quatorze ans, quand j'ai découvert cette phrase de Musset "quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : " J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui." j'en ai fait ma maxime.

Aimer... Pour certain c'est sans doute dérisoire, peu de chose, et même probablement idiot que de passer l'essentiel de son existence à cela. Qu'est ce cela en fait ? Rien, l'impalpable, le fugitif, l'indomptable, l'immaitrisable émotion... Pour certain , sans doute mieux vaux construire, bâtir, faire, et même je l'ai cru moi, j'ai cru que c'est ce que je faisais. Mais non, j'étais bien plus préoccupé par cette histoire qu'est l'amour.

Aimer... Pour d'autre c'est merveilleux, ce qu'il y a de plus beau etc...

Moi je ne sais pas, c'est comme ça que j'ai vécu, sans en avoir conscience véritablement et sans savoir vraiment pourquoi. Je ne porte pas de jugement ni positif, ni négatif, c'est comme ça que j'ai vécu, c'est tout.

Et puis il y a eu mon Il, puis il y a eu ma fille. Je me suis mise à écrire beaucoup, à vivre l'amour et à le raconter. Un pièce de théâtre d'abord, un roman ensuite. Puis il est mort. J'ai écrit encore cette douleur, ce chagrin qui faisait parti de cet amour.

Aujourd'hui j'ai parfois l'impression d'avoir disparu en même temps que lui, engloutie avec lui. Je sais que je suis vivante et je m’aperçois que je suis aimée. Mais cette impression tout de même d'avoir disparu est là comme un voile gris sur la lumière. Tout ce temps qui passe à attendre que ça passe. Je n'existe pas, pas vraiment. "La place que je me donne" m'a dit quelqu'un récemment, j'ai pleuré, mais je n'ai pas compris. Je ne sais pas comment, ni quand je pourrai revenir à la lumière, dans la vie, moi qui suis "tellement vivante", (je suis étonnée que c'est cela qu'on continue à voir en moi). Mon chagrin n'a pas encore fini de se pleurer. Je fais ce que je peux, de mon mieux pour continuer. Je n'ai pas beaucoup de force. Je suis si fatiguée. Parfois je commence une pensée par "j'aimerai..." que je ne finis pas, parce que ce que j'aimerai n'est pas, n'est plus. Je ne veux pas réveiller la douleur, la frustration. J'essaie de me contenter de ce qui est. Ce n'est pas rien, "ce qui est", c'est ce qui me tient. C'est ce qui me permet de faire des choix, de prendre des décisions. C'est ma fille, pour l'essentiel, c'est ma fille. Mais vous savez quoi, j'ai beau l'aimer plus que tout, elle n'est pas tout. Alors si j'osais je dirais que j'aimerai que quelqu'un me prenne dans ses bras. J'aimerai que quelqu'un prenne soin de moi. J'aimerai être amoureuse d'un être vivant, de chair et de sang et laisser le souvenir du mort devenir un sourire...

Après tout, c'est bientôt une nouvelle année qui commence. Si ce pouvait être une nouvelle vie...