Je suis allée la voir à la clinique. On a passé deux heures ensemble. Parler. De la vie maintenant avec le cancer, de la mort, de la peur, de la non peur, de l'injustice, de nos enfants, de nos amoureux, de mes projets, de ses regrets. C'était simple à vivre sur le moment. J'étais là, avec elle. C'était simple.

Et puis elle a fatigué et je suis partie. Arrivée dans le hall, j'ai acheté à la cafeteria un gâteau au chocolat et un coca, du chocolat et du sucre, que j'ai mangé et bu dans ma voiture. C'est là que j'ai senti ce truc dans ma poitrine, un poids ? une boule ? Un cœur gros, je crois.

J'ai toujours pas envie de pleurer. Je pleurerais demain, quand j'irai faire ma séance d'équithérapie, je sais que je vais pleurer et ce sera très bien là, à ce moment là, dédié.

Mon corps n'est pas près d'apprendre à se détendre...

Veiller à se préserver aussi, sans fuir, et pas s'enfuir, se préserver en se concentrant sur la beauté. La lumière du soleil dans les arbres encore verts, les câlins. La beauté soigne. Veiller à laisser de la place à la vie, à ma vie. Entrer dans le présent, dans tous les présents, chacun à leur tour, pour ce qu'ils sont. Veiller à l'équilibre, être là pour elle, être là pour moi. Ne pas faire d'amalgame avec le passé. Ne pas laisser les cicatrices se rouvrir, ne pas se baigner dans mes plaies. Mettre ma conscience sur ce qui va bien. Je respire, je sais que je respire.