J’ai une vie intense ? Oui, on peut dire que dans mon histoire de vie, il y a des évènements qui sont survenus qui impliquent nécessairement une intensité émotionnelle, des traumatismes. Ils participent à mon identité.

Je ressens, j’éprouve, je pense avec intensité. C’est un flux constant et intense, je n’ai pas d’autres mots. L’intensité de la communication interneuronale, correspond au rythme avec lequel le message électrique ou chimique circule, par pulsation plus ou moins rapprochées. L’amplitude correspond à la hauteur, quand vous regardez un électro-encéphalogramme par exemple, les pics et les creux représentent l’amplitude. Je ne sais pas si on peut voir chez une personne hypersensible cette intensité dans la communication interneuronale.

Hypersensibilité, c’est souvent associé à de la douleur, la lumière, les sons, les textures, les consistances, pour moi, pour d’autres également les odeurs, mais aussi les sens dit intéroceptif, c’est à dire sentir l’intérieur du corps comme son propre cœur qui bat sans avoir besoin de mettre la main sur sa poitrine, sentir ses organes, tous les mouvements internes du ventre et par-dessus le marché le nociceptif lui-même, c’est à dire celui qui sent la douleur. En d’autres termes, capter le monde est douloureux et je suis douillette.

Ça c’est pour les sens. Mais l’hypersensibilité ce sont aussi les émotions, qui sont des symptômes corporels avant tout, et bien évidemment je les ressens avec la même intensité que le reste.

Et puis il y a le flux des pensées, le rouleau compresseur des ruminations. Une sorte de réflexe du cognitif pour gérer ce flux, comprendre, mettre du sens, faire des liens, contrôler, sécuriser, mais c’est sans fin, souvent abusif, pas toujours efficace voir contreproductif.

C’est épuisant.

J’ai cru un moment que je pourrai changer cela en moi. Après tout, si c’est le fruit des divers traumatismes que j’ai vécu, avec les techniques modernes, je pourrais peut-être réparer la machine. Mais non, je peux seulement aider la machine. Ce n’est pas la même perspective.

Ce qui l’aide le plus efficacement c’est en premier, des temps de repos, contemplation, pleine présence, un rythme plus lent. Ça me demande de la patience, de l’acceptation, de la pleine conscience. Ça me demande de ne pas céder aux sirènes de la société excitée, aux injonctions « sois forte », « soit rapide ». Ça me demande de poser mon téléphone, de cesser d’être toujours dans un ailleurs, dans un plus tard, dans un « vivement… ». Ça me demande d’accepter, d’accueillir, ce qui est, là, maintenant, y compris que ce ne soit pas toujours possible parce que l’habitude, parce que c’est un effort, un entrainement et que comme tout effort, tout entrainement, il y a des ratés. Ça me demande d’assumer mes angoisses, mes chagrins, et d’avoir un espace ou déposer tout cela. Ça me demande d’assumer mon besoin de lenteur et de douceur et de ne pas culpabiliser d’être tellement décalée avec le rythme des autres.

Je trouve de la paix en moi, quand je m’arrête, quand je ne fais rien d’autre que sentir ce qui est, quand je regarde l’océan, quand je sens le vent sur ma peau, la chaleur de la peau de mon amoureux, le corps de ma fille contre le mien, quand j’entends la pluie, le chant du merle, les ronrons de mon chat. Quand j’écoute une personne me parler d’elle, quand je ressens qui elle est. Il y a moyen dans chacun de ces instants, que mon corps se détende en profondeur, et parfois je parviens à sentir de la simplicité.

J’ai besoin de repos, non pas temporairement comme des vacances que je m’offrirais pour repartir ensuite dans l’action, j’ai besoin de repos constamment, pour répondre à cette agitation intérieure constante. Constamment n’est pas possible, la vie n’est pas calme, mais chaque jour j’ai besoin de trouver un espace de calme. Revenir à l’ancrage du présent.