Aude est ma sœur. Dire que nous avons grandi ensemble doit s’entendre de toutes les façons possibles. Nous nous sommes fait grandir réciproquement.
Je lui dois quelques valeurs essentielles, pas tant par ce qu’elle me disait quand elle était ma mère de substitution que par sa façon de vivre le vivant. J’étais peureuse et elle avait une rage de vivre, un courage à toute épreuve. Elle partait à l’aventure et je la suivais, je la freinais parfois de mes peurs, je l’agaçais, elle me bousculait mais elle ne m’a jamais lâché la main durant toute cette enfance. C’est avec elle que j’ai construit en moi la loyauté, la fidélité. Nous avons grandi donc, la vie ne nous a rien épargné, ni épreuves, ni dons.

Aujourd’hui elle me surnomme « wonder woman zen ». Elle est comme ça, pleines d’images parlantes. Comment aurai-je pu devenir forte sans elle ? Moi qui voulais tout faire comme elle.

Elle s’est cassée la gueule plusieurs fois et crois aujourd’hui qu’elle n’est pas à la hauteur de ses rêves, sait-elle seulement que la chute arrive à ceux qui tentent toutes les aventures ? A-t-elle reculer ? Non. Elle s’est blessée souvent comme quand elle était enfant, revenant avec milles écorchures, mais jamais elle n’a cessé de s’aventurer. J’ai appris de ses élans, de ses chûtes, de sa façon de se relever, de chercher. Son histoire est une partie de la mienne, elle a débroussaillé tant de chemins pour que je puisse les prendre en sécurité. Jusqu’à ce que j’apprenne à mon tour le courage et que je puisse façonner les miens.

Combien d’heures de partage avons-nous au compteur, passé la cinquantaine ? Nous passons de l’infiniment grand, le sens de la vie, nos regards croisés sur l’humanité, à l’infiniment petit de nos cœurs meurtris et courageux, en passant toujours par le rire, et c’est souvent elle qui prend ce détour-là.

Elle est fatiguée de ses aventures, elle se voudrait plus prudente, s’épargner de nouvelles blessures, mais la vie n’attend pas, le repos n’est pas de cesser de vivre mais de se nourrir à ses sources. Nous rirons ensemble de cette phrase, encore une digne des citations facebookienne dont j’ai le secret.

Elle dit souvent qu’il y a du monde en elle, et c’est vrai, elle est multiple, puissante et vulnérable, drôle et lyrique, courageuse, loyale, une boite à questions, une bibliothèque de doutes, un cœur immense, si grand que parfois il comprime ses poumons et qu’elle s’essouffle. Un cœur né pour aimer l’humanité toute entière, un cœur qui a été trahie, abandonné, piétiné, éparpillé façon puzzle, qui se demande aujourd’hui c’est comment qu’on bat la mesure sans se rendre compte qu’il le fait déjà, tout le temps et depuis toujours.

Nous sommes passés par tant d’émotions, de fusions en séparations, d’attentes en déceptions, de peurs en colère, sans que jamais l’amour ne s’éteigne. Nous nous sommes retrouvées. Nous en avons tout le mérite parce que nous y avons travaillé sans relâche, se lâchant pour mieux se tenir la main, à la vie à la mort, quelle chance nous avons de vivre cet amour immense.

Je voulais parler d’elle, je voulais lui parler d’elle. Ma sœur Aude que j’aime.