12717536_1288984961116961_6664917937778580475_n.jpg, fév. 2016

Lundi, je passais l’IRM qui révélait trois images auxquelles les médecins portent leur attention. Les deux premières, on savait déjà, le bidule de 7,5 mm et autre chose qui ressemblait à un papillome, bénin donc, mais qu’il fallait quand même biopser. A ce moment-là, je ne demande pas pourquoi. La question me viendra après. La troisième, découverte d’un bidule de 6mm a biopser aussi pour déterminer si cancéreux ou non.

Mardi matin, je voyais l’infirmière d’annonce pour me préparer à l’opération prévue le 9 Aout et répondre aux questions que je me posais. Elle se présente et commence par me demander ce que je sais, ce que j’ai compris, retenue. Bon, je lui sors le discours bien rodé que j’ai servi à toutes les personnes à qui j’ai annoncé que j’avais un cancer et puis vient la question de ce papillome : « si c’est bénin, pourquoi le biopser ? » Je ne comprends pas sa réponse. Il faut vérifier. Vérifier quoi ? C’est un papillome ou pas ? Mais ça je ne le dis pas, je laisse tomber très vite. Ils vont vérifier. Ok. C’est lors de la biopsie que je redemanderai et qu’on m’expliquera « on pense que mais c’est seulement la biopsie qui le confirmera » Ah oui, c’est ça que ça veut dire « vérifier ». Je prends conscience que mon cerveau bug sur certaines informations.

L’infirmière poursuit. Sa deuxième question c’est :

- « Comment vous sentez vous par rapport à tout ça ?
- J’ai hâte d’être fixée, là. Je sais par expérience, pour avoir accompagné des personnes dans cette maladie, que ça change, ça bouge, que rien n’est vraiment fixe. Donc au début je l’ai pris comme ça… et puis là, c’est les vacances… Moi, j’avais prévu de passer un mois et demi dans ma maison en Bretagne, avant tout ça. J’ai un peu de mal à faire le deuil de ces vacances, c’est un peu dur pour moi. Donc j’ai hâte de savoir comment ça va se poser, pour savoir quand est-ce que je vais pouvoir m’échapper et combien de temps. »
J’emploie ce mot « m’échapper » tellement parlant.
- Vous faites quoi comme travail ?
- Je suis indépendante, à la rentrée je vais… Enfin, je ne me suis pas trop posée encore ces questions-là. J’attends de voir… Quelle chimio ? A quel rythme ? Enfin j’ai plein de questions.
- Je ne vais pas pouvoir forcément vous répondre concernant les chimios.
- Je sais, mais si j’ai quelques éléments de réponses… Et puis par ailleurs, j’ai repris des études de psycho. Je me suis réinscrite pour la troisième année et puis je vais voir ce que je peux faire en fonction de l’énergie que j’aurai et la disponibilité mentale aussi … Et après émotionnellement, ça fait des vagues… Des moments je me sens très forte, très déterminée, j’ai de la ressource et y a des jours j’ai peur. Surtout du traitement. C’est la chimio qui fait peur.
- Par rapport au vécu que vous avez eu avec les personnes que vous avez accompagnées ?
- Oui, les nausées, la fatigue, le fait que la maladie se révèle quand commence le traitement, parce que là en fait je ne sens rien, je suis en forme. Et je sais que quand les traitements commencent la maladie apparait et c’est ça qui me fait peur.
Silence… Elle reprend la parole
- On va essayer de répondre à l’ensemble des questions… Et au niveau de votre entourage ? Donc madame est votre sœur ?
- Oui, je suis bien entourée. J’ai un mari, il ne vient jamais au rendez-vous parce qu’il bosse à Paris et il rentre le soir, il ne peut pas être disponible la journée mais j’ai des sœurs qui prennent le relai. J’ai une fille qui a quinze ans. J’ai eu un premier mari qui est mort d’un cancer du poumon y a dix ans, le père de ma fille… Bon… En même temps, une psy à qui j’avais parlé de ça m’a dit qu’elle avait sans doute développé des compétences pour faire face … Enfin bref, voilà. Donc je suis plutôt bien entourée. J’ai des amis, y a du monde autour de moi, je ne suis pas isolée.
- C’est important
- Oui, très important.
- Et bien maintenant on va entrer dans le vif du sujet. Je vais dérouler le processus pour l’opération, le pendant, le avant et le après. Vous n’hésitez pas à me couper si vous avez des questions.

C’est parti pour les explications, la préadmission, le test PCR, 2 jours avant, les mesures d’hygiène avant, après. J’ai le droit à une brassière offerte par l’hôpital à porter jour et nuit après l’opération et à un joli coussin en forme de cœur, pour soutenir le bras.

- Pendant l’opération, il va y avoir donc des prélèvements, qui vont être analysé. Les résultats seront quinze jours trois semaines après et ce sont ces résultats qui vont déterminer le type de chimiothérapie.
- Quinze jour trois semaines de répit avant la chimio, c’est là que je vais repartir en Bretagne. L’obsession.

Je ris. Elle continue, elle explique, les soins post opératoire, les choses à surveiller en cas de complication. Puis vient le temps de poser mes questions. La plupart sans réponse, parce que ça dépend de tellement de choses encore.

- Le rythme de la chimio ?
- Ça dépend de la molécule et surtout de comment vous allez la tolérer.

Comment je vais tolérer le traitement. Je pousse un profond soupir. On vient d’appuyer sur ma peur. Les larmes montent. Elle me parle, elle n’essaie pas de me rassurer, elle me dit juste qu’elle sait que c’est compliqué cette somme d’inconnus. Je dis

- C’est lourd.
- Oui
- Mais, des fois j’y arrive, être juste dans le moment présent, ça me fait du bien. Et des fois, on a besoin de savoir…
- Oui, on dépend de tellement de données … Et puis parfois donner trop d’informations ce n’est pas bon, parce qu’on avance au rythme des résultats et vous aussi vous avez besoin d’avancer à ce rythme-là par rapport à votre maladie, par rapport à l’acceptation… On ne peut pas aller trop vite non plus.
- Je sais. Je sais aussi que de réaliser c’est quelque chose qui est intermittent. Par moment la conscience me vient que j’ai un cancer, mais comme il n’y a aucun symptôme pour l’instant, il y a plein de fois où j’oublie.
- Et c’est normal
- C’est même tant mieux comme ça je peux profiter du fait que je vais bien pour l’instant. ( Je ris). Ce n’est pas plus mal… Accepter l’incertitude… C’est ça qui est un peu lourd, des fois ça va, des fois c’est lourd.

Puis elle me parlera de ce à quoi j’ai droit, me renseigner auprès de ma mutuelle, de la caf, pour des aides à domicile, un séjour en thalasso après les traitements … On se quitte et je file au rendez-vous avec l’anesthésiste. Je suis assommée, non, dissociée, plus vraiment dans mon corps. Je reconnais cette sensation, la même quand François est mort, cette sensation qui se réinvite chaque fois que c’est trop dur. Mon cerveau connait ce chemin maintenant, il y accède vite. Je sais que ça me protège. Je réintègre le corps petit à petit, à ce fameux rythme qui ne peux pas aller trop vite.



Le rendez-vous avec l’anesthésiste, c’est une autre histoire, assez comique celle-là. Mais ce sera pour un prochain billet.